18 juin 2007

Tous Palestiniens

Faut-il filmer la haine et les conflits ? C’est la question que m’impose aujourd’hui l’œil unique de ma caméra : il me fige, brillant dans le recoin sombre de ma chambre d’hôtel. D’une seule réalité, on peut tirer mille vues. Depuis deux jours, je lutte contre ma Panasonic qui réclame son lot « d’évènements » : partir en quête de sirènes, de cagoules, de fusils d’assaut, de jeeps et, - avec un peu de chance -, de sang. Les cowboys de Reuters et les vampires de France-Presse ne sont pas, à priori, mes modèles. Mais la tentation est grande de filmer la violence quand on la côtoie de si près : comme un copiste, on veut reproduire ce qu’on vient de voir sur CNN ou Al Jazeera. J’ai beau ne pas être « mandaté » pour parler de cela, le sentiment qu’il faut montrer le conflit s’impose. Mais le montrer pourquoi ? Ou plutôt : que montrer exactement ?
Certes, les tirs résonnent. Certes, les hommes forts du Fatah défilent fièrement fusils au poing, s’empilent dans des taxis qu’ils réquisitionnent pour parader encagoulés. Mais aujourd’hui, j’ai compris que tout cela ne valait pas la peine d’être filmé. C’est un enfant rencontré dans le village de Beit Imrin, sur les hauteurs de Naplouse, qui me l’a fait comprendre d’un trait : « Tout ça n’a pas d’importance. Nous sommes tous Palestiniens. »
Les enfants.
Ici, ils vous disent « Fuck you ! » sur le ton d’un « Welcome ! », et il suffit de leur dégainer un sourire pour les désarmer. Loin des tirs et en leur compagnie, j’ai aujourd’hui appris de force à danser le Dabkeh, marqué un but au cours d’un terrible match de foot trop ensoleillé, ingurgité gourmandises et sucreries de maison en maison, pris en otage par leurs parents. La Palestine est un pays dangereux, n’y venez pas et abandonnez-moi à mon sort. Merci.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un jour, je le sais, tu nous publieras tout ça. & ce sera fort, & ce sera beau.

Mais je voudrais bien, aussi, voir tes images documentaires : où cela peut-il être?

Merci, Arnaud