01 mars 2006


La Balançoire (Ramallah, 2004)

Se souvenir de Ramallah (sans écran)

Parmis les projets qui m'obsèdent, celui de retourner à Ramallah pour rencontrer la famille de Mohammed, le jeune homme mort devant ma caméra en septembre 2004, écrasé par une jeep militaire israélienne sur laquelle il lançait des pierres.
De cette aventure documentaire, - qui a donné la vidéo de 52 minutes intitulée Si j'avais un chapeau -, je n'ai pas encore tiré toutes les leçons. Honteusement, j'ai été plus préoccupé par le parcours du documentaire dans un réseau de diffusion (et par conséquent par ma propre existence télévisuelle ou festivalière) que par le message profond qui se dégage de cette expérience.
J'écris "message" car je ne trouve pas d'autre mot. Mais cela ne convient pas, trop mystique. Alors qu'il s'agit juste de sentiment : qu'ai-je véritablement ressenti au moment de cette mort ? C'est triste mais je crois que je n'ai rien ressenti pour Mohammed en particulier. Je n'ai pas eu de peine pour lui et ses proches.
Obstiné, idiot, doté d'une caméra derrière laquelle je me cachais, j'ai vu "l'évènement" sur l'écran LCD de ma PD150. Ce n'est donc pas à la mort d'un jeune homme que j'ai assisté, mais à la représentation de cette mort telle que je la composais moi-même à ce moment-là.
Je ne me disais pas : un enfant est mort. Je pensais : comment cadrer et que filmer.
J'avais une image-choc en ma possession, j'en étais le maître. Et c'est un profit d'orgueil que j'allais en tirer : j'ai surpris la mort, je l'ai filmée au travail (moi aussi, je faisais un triste travail).
Je croyais alors faire du grand documentaire. Je faisais de la merde.
Il me faut être lucide. Il me faut retourner là-bas et ressentir. Sans écran ?
Mais non, c'est plus fort que moi, que nous, il faut filmer, toujours et encore.
Alors au moins, soyons sincère.