21 juin 2007

Révolution

À Naplouse, chaque nuit est rythmée par les tirs des fusils-mitrailleurs qu’accompagnent les klaxons des défilés des mariages, nombreux.Pendant que les hommes armés du Fatah délogent et punissent les membres du Hamas encore présents en ville, on s’épouse gaiement dans les sous-sols des grands hôtels avant de faire savoir à toute la ville qu’on s’aimera pour l’éternité. Mort et vie. Les Palestiniens sont hédonistes et chaleureux, généreux et d’une hospitalité qui dépasse l’entendement (du matin au soir, les hôtes vous gavent, littéralement). Mais ils peuvent aussi, dans le même élan d’intensité, se transformer en de sombres guerriers qui tuent avec la même générosité. Se battre, c’est culturel. Peut-être est-ce là que réside le drame actuel du déchirement interne ? Il faut se battre, trouver une raison de mourir, de devenir martyr ou combattant. Dans la paix, plus de raison d’être : le mariage et l’amour ne suffisent pas pour faire un homme. Les membres du Hamas l’ont bien compris.
Et les femmes ? Thawra a 29 ans. En arabe, son nom signifie «Révolution». Elle vit à Jénine, l’un des camps de réfugiés palestiniens les plus violents de tous les territoires occupés. Un camp de résistants en colère. À Jénine, chaque famille a son martyr ou son prisonnier. La prison, Thawra y a passé un an, arrêtée à l’âge de 26 ans parce que l’armée israélienne la soupçonnait d’être une future bombe humaine. Enfermée dans une cellule d’un mètre sur un mètre, il ne lui était pas possible d’allonger ses jambes pour dormir. Son unique luxe : des toilettes privées qui occupaient cet espace déjà minuscule. Reconnue innocente, elle a été battue par huit gardiens avant d’être libérée. Peut-être une façon de s’excuser.Revenue à Jénine, elle a appris que son fiancé était maintenant un martyr, assassiné dans une attaque au missile perpétrée par l’armée israélienne. Rejetée par une partie de la communauté à cause de ce passé douteux, Thawra aurait pu baisser les bras. Elle a choisi de retrousser ses manches : elle est aujourd’hui une volontaire active du Neighbourhood Corners, le comité de femmes engagées auprès des jeunes de la communauté. C’est ça, la révolution.

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