05 octobre 2006

Le Président et l'oiseau

Je termine actuellement le montage d'un épisode de ma série documentaire tourné au mois de juillet dernier au Nicaragua. On y découvrira le projet de Patmiki, un couple d'artistes québécois qui enseignent la photographie aux enfants défavorisés à l'aide de boîtes de conserve usagées transformées en cameras obscuras.
Lors de mon arrivée à Managua (03.07.2006), j'écrivais une première série d'impressions assis au bord de la piscine d'un hotel semi-luxueux (Las Mercedes), seul endroit accueillant pour une longue attente au pied de l'aéroport (où j'avais rendez-vous) :

Je retrouve à Managua l'odeur de Rio de Janeiro. Ma chemise colle en sortant de l'avion et l'odeur pénétrante d'humidité végétale me saute au nez. Je connaîs mal l'histoire du Nicaragua. J'ai des notions au sujet des relations détestables que le pays entretient avec les États-Unis depuis toujours. Vagues notions. Or, est-ce un signe ? Mais ce matin, dans l'avion qui me menait ici à partir d'Atlanta, Jimmy Carter - fier comme un Président des USA peut l'être -, m'a serré la main ainsi qu'à tous les autres passagers car il voyageait avec nous. Frêle vieillard, il sourit encore et possède une poigne surprenante de robustesse (les années de pratique, sûrement). Sa grande assurance lui permet de ne pas disparaître, - petite silouhette de retraité de Floride -, au milieu de ses compagnons de voyage, des gorilles arborant étoiles de shérif et oreillettes de film d'espionnage. Sur Carter non plus, je ne sais presque rien. Et il n'y a pas de hasard. Il faut que j'apprenne. L'odeur me berce sur la terrasse luxuriante de l'hotel pour riches voyageurs où j'attends mes amis. Je viens de me faire plumer de quinze dollars US pour des brochettes mal cuites : c'est la règle du jeu. Les sourires du personnel bienveillant sont sincères, j'en suis sûr. Mais "Gringo, je te plumerai". Un oiseau affreux, déplumé, au long bec pointu, noir, sale, au cou brisé, sautillant sur la seule patte qui lui reste, vient de quémander une miette de hamburger à la table voisine, celle d'un homme d'affaires états-unien qui m'a dit trouver la langue française très romantique. Lui et l'oiseau ne sont pas là pour rien non plus. Ils m'ont offert comme ça, subitement, une image facile, une métaphore trop laide pour être vraie. Encore une fois, j'y vois un signe (alors qu'une corneille, - oiseau de mort -, décolle sous mon nez). Une incitation à la réflexion au sujet du "travail" que je viens effectuer ici. Carter, l'oiseau déplumé, le hamburger, l'odeur tropicale ont un rôle à jouer ici, et ils le tiennent. Qu'en est-il du mien ?

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