08 octobre 2006

Imposteur

Aujourd'hui, tout est imposture mais il n'y a pas d'imposteurs.
Alors que je m'apprête à partir au Pérou dans quelques heures afin de poursuivre le tournage de ma série, je me pose cette question : quand découvrira-t-on que je suis, moi, un imposteur ? Combien de temps serai-je encore capable de donner l'illusion, de faire croire à ceux qui m'entourent que je sais ce que je fais ?
Je crois ne pas être véritablement capable de comprendre le monde. Rester lucide, éveillé, me demande un effort terrible que je ne fournis pas toujours. Je m'isole alors dans des clichés de pensée, mais surtout je construis des images que je crois justes quant à ce qu'elles restituent de ma propre vision des choses et des êtres.
Je fais des images pour moi-même. Pas pour les autres. Je ne crois que ce que je filme. Et je ne crois surtout à ma propre existence, - somme des expériences extraordinaires que j'ai la chance de vivre -, qu'à travers ce que je filme.
Ces images n'ont alors peut-être aucune importance aux yeux des autres, aucun impact. Mais pour moi, c'est beaucoup. Je regarde et je me dis : c'est moi, j'y étais.
Tous ceux qui croisent mon objectif sont donc là pour me faire exister un instant. Ce sentiment a atteint son paroxysme lorsque je me trouvais au fond des mines de tanzanite de Mererani (Tanzanie, juillet 2005) pour y filmer le travail des mineurs. Au coeur des ténèbres, sous des tonnes de roches friables, frôlant la dynamite dans les couloirs où nous rampions, je me sentais vivant. Je me sentais aussi en communion avec les travailleurs (Titi, le mineur de vingt ans qui regrette de ne pas avoir étudié davantage : son rêve était de devenir comptable aux Nations Unies).
Mais les images, au bout du compte, que donnent-elles à voir... Que reste-t-il en moi de ce moment ? Des reminiscences vidéographiques perdues dans un flot télévisuel. Mes propres souvenirs se noient. Je me noie. Mais je suis encore vivant.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Arnaud, tu écris vraiment bien. à quand ton livre?

Anonyme a dit…

arnaud, l'imposture est ma fidèle compagne, la fraude ma maîtresse la plus perverse, merci d'avoir mis les bons mots sur ce sentiment frustrant qui me hantait déjà quand nous étions à l'université.