04 février 2008

2008 en questions

Quelles solutions y’a-t-il ? Où trouver l’espoir d’un monde nouveau, d’un renouveau ? De quoi demain sera-t-il fait ? Ressemblera-t-il à hier ? Et aujourd’hui dans tout ça ? Qui porte en lui, en elle, la solution ? Qui suivrons-nous ? Qui devons-nous suivre ? Qui ou quoi ? Y’a-t-il encore des possibles ? Est-il encore possible de faire le bien sans faire de mal ? Où est le mal ? Où est le bien ? Faut-il rire ? Faut-il pleurer ? Chaque moment qui passe, est-il un moment de plus ou un moment de moins ? Faut-il aller au bout de l’expérience ou la quitter en chemin ? Quel est le bon chemin ? En 2008, je vous souhaite de répondre à au moins une de ces questions. Mais je vous souhaite surtout, autant que vous le pourrez, de continuer à fabriquer des souvenirs.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Une question pour vous, M. Bouquet. Puisque vous parlez de fabrication de souvenirs...certains disent que notre culture (occidentale) perd non seulement sa capacité de mémoire, mais aussi son imagination. La fiction pige de plus en plus dans la réalité et les faits divers. Et nous serions, en tant que lecteurs ou spectateurs, de moins en moins capables de comprendre une fiction en dehors de ces repères du "réel". Qu’en pensez-vous ?

Anonyme a dit…

J'ai toujours eu pour ma part beaucoup de mal à faire la distinction entre la fiction et la réalité (ce qu'on appellerait du "documentaire"). Les productions audiovisuelles que je vois me paraissent toutes être le produit d'une imagination, d'un regard transformé. Mais je crois que vous parlez de la perte d'un regard enchanté. Car si la pure fiction n'existe pas, - on y trouve toujours le réel sous une forme ou une autre -, il est vrai que le "rêve" a cédé beaucoup de place au "quotidien". Peut-être est-ce parce que nous ne comprenons plus le monde qui nous entoure ? Il nous échappe, et deux opinions contradictoires peuvent nous paraître aussi valable l'une que l'autre. Alors surgit la tentation morbide de reproduire le réel sans cesse, pas pour l'exorciser, pas pour produire une catharsis qui elle s'accommoderait mieux de l'imagination, mais bien pour tenter de l'appréhender. Vous dites qu'il y a perte de mémoire, d'imagination : il y a aussi, je pense, perte de compréhension. Comme jamais auparavant, le réel, le monde nous apparaissent dans toute leur complexité. Votre question est vraiment très intéressante. Merci de l'avoir posée. Pour ma part, je vais continuer à y réfléchir car ma réponse, sur le vif, ne me satisfait pas pleinement.

Anonyme a dit…

Et j'ajouterais que cela traduit certainement un désir, conscient ou inconscient, de reprendre le contrôle sur une réalité qui nous échappe. Une réalité qui, par ailleurs, semble issue des pires scénarios d'une imagination délirante.

Anonyme a dit…

Merci pour votre réponse, très stimulante, à ma question somme toute très complexe et à laquelle je n’avais que très peu réfléchie. Vous dites qu’à une possible perte de mémoire et d’imagination, s’ajoute certainement une « perte de compréhension ». Je considère votre intuition très sagace, mais j’ajouterais ceci: je crois qu’il y a ni perte de mémoire, ni perte d’imagination, ni perte de compréhension, mais certainement transformation de leur rapport– ces trois « pôles» ont toujours été, me semble-t-il, du moins depuis l’avènement de la modernité occidentale, inextricablement liés dans l’acte de saisissement du réel. Mémoire, imagination, connaissance doivent être sollicités pour saisir le réel, c’est-à-dire le temps présent.

Or, de quoi est faite cette transformation actuelle et comment la mesure-t-on? S’agit-il de compiler les guerres, les pauvres, les morts, les souffrances? Pourquoi, afin de saisir notre temps présent, faut-il toujours se comparer à un supposé «âge d’or» de l’histoire? Comment donc problématiser le présent? Comment faire une histoire du présent? Le réel n’est-il que l’effet d’une anticipation du passé? Ou sommes-nous voués à le saisir que par ses « événements», comme dirait Deleuze? Ces deux questions impliquent nécessairement, vous l’avez compris, la question du rapport entre le réel et l’imaginaire. Vous dites qu’il y a perte de compréhension, car « comme jamais auparavant, le réel, le monde nous apparaissent dans toute leur complexité ». Effectivement, ce qui me semble «nouveau» aujourd’hui, n’est non pas la perte de compréhension, mais la multiplication des voix de la compréhension du réel; la multiplication des offres de l’imaginaire; la multiplication des sources de la mémoire. Mais qui dit multiplication, dit- et comme vous le dites- contradiction. N’est-ce pas cette contradiction qui rend possible l’histoire? Non pas « l’Histoire» de Hegel, mais la possibilité d’histoires : soit la possibilité de se saisir–individuellement et collectivement– dans un ailleurs, c’est-à-dire de se saisir comme Autre, cet autre qui est le lieu du signifiant, de l’imaginaire. Cet Autre qui n’est pas «pathos», mais contingence, liberté constante de changer, de transformer, de sortir du réel. Ainsi, je ne suis pas d’accord avec cette idée de Baudrillard (brillante, par ailleurs), que « le réel n’est plus possible » ; que le réel se dissout dans une logique totalitaire de simulacres devenus immortels.

La connaissance, si bien que nécessaire, n’a jamais conduit au Bonheur. La complexification du réel prend effectivement la forme d’un synopsis terrifiant, « une réalité qui, par ailleurs, semble issue des pires scénarios d'une imagination délirante », tel que vous le mentionnez. Vous dites que nous sommes dans une « tentation morbide de reproduire le réel sans cesse, pas pour l'exorciser, pas pour produire une catharsis qui elle s'accommoderait mieux de l'imagination, mais bien pour tenter de l'appréhender ». Pourquoi doit-on considérer cette reproduction continuelle du réel comme morbide? Ne serait-il pas aussi le signe salubre d’une possibilité renouvelée, et toujours présente, de penser?

Anonyme a dit…

Je dois admettre que votre démonstration me perd par moments et j'essaierai de répondre sur les points qui sont les plus clairs pour moi. Je n'ai pas l'assise des immenses penseurs que vous convoquez, et je parlerai donc comme un artisan. Je veux dire que je ramènerai ce questionnement à ma petite pratique de modeste tâcheron, si vous le permettez.
"Pourquoi, afin de saisir notre temps présent, faut-il toujours se comparer à un supposé «âge d’or» de l’histoire?" Vous avez raison, les pestes ou les holocaustes d'antan, en terme de comparaisons, feraient plutôt apparaître notre âge comme doré. La différence vient peut-être encore une fois de la représentation : nous constatons l'état du monde mille fois par jour sur nos écrans. Or, constater, ça n'est pas agir. Voir, ça n'est pas opérer. La représentation est morbide à mes yeux, car elle nous dédouane finalement de l'action : j'ai vu, je sais, mais que puis-je faire. Mais au moins, je sais car j'ai vu, et je peux dire que non, non ,non, ça ne devrait pas être comme ça. Les technologies d'aujourd'hui seraient en mesure de nourrir tous les individus de la planète, paraît-il. Elles ne le font pas. Les technologies audiovisuelles devraient dessiller nos regards, or elles semblent les clore. C'est en cela qu'aujourd'hui est pire qu'hier, car tous nos moyens, - énormes -, ne sont pas justifiés par les bonnes fins. Vous parlez de "multiplication des voix". Oui. À ce sujet, laissez moi en convoquer une aussi finalement, celle de Cocteau qui disait déjà : "Le vacarme d'aujourd'hui fait plus de silence que les silences de jadis." Trop d'images, et on ne voit plus rien. Trop de bruit, et on n'entend plus rien.
Et moi, - comme d'autres -, je poursuis des gens avec une caméra pour les vouer d'avance à l'oubli instantané, leur donner, trop vite, le statut de souvenir. Il y a une grande phrase quelque part d'un grand documentariste, le genre de phrase qu'on met sur une carte postale dans un présentoir avec d'autres phrases de Prévert ou de Cocteau justement. Ça dit quelque chose comme : "Le documentaire, c'est comme une photo de famille : c'est la mémoire d'un peuple." Et bien dans le "vacarme d'aujourd'hui", produire de la mémoire, c'est produire de l'oubli.
L'imagination, vous avez raison, nous manque beaucoup. Au moins, elle ne fait pas de victimes.

Anonyme a dit…

Mais je me contredirai tout de suite en précisant qu'il y a des regards qui pèsent, de grands faiseurs d'images qui sortent du vacarme pour nous faire entendre quelque chose. Je pense à Rithy Panh et à son S21. C'est d'ailleurs, en plus de tout le reste, un merveilleux film sur la mémoire et l'oubli. Et dans l'horreur, ça dépasse l'imagination.